Pour bien comprendre les origines du karaté, il faut situer l'île d'Okinawa. C'est l'île principale de l'archipel des Ryu-Kyu, située entre l'île de Taiwan, le Japon et la Chine. L'archipel compte environ 70 îles. Dès le 10e siècle, la Chine entretint des rapports commerciaux avec l'archipel des Ryu-Kyu. De nombreux chinois se rendirent à Okinawa, parmi eux des experts de boxe chinoise. Les arts et la culture traditionnels de l'île portent l'empreinte de l'influence chinoise.
A partir du 16ème, et ce jusqu'au 19ème siècle, l'île fut le théatre de conflits entre le Japon et la Chine. Tour à tour, ces deux pays imposèrent leur souveraineté sur l'archipel. A chaque fois l'envahisseur instaura une domination militaire, interdisant toute arme, afin d'éviter les rébellions. Pendant tous ces siècles d'occupation les techniques de combat à mains nues (Tode) se sont naturellement développées, transmises secrètement, de Maîtres à disciples.
Les entraînements, qui se déroulaient le plus souvent la nuit, étaient basés uniquement sur l'efficacité. L'esprit de résistance, exacerbé par les exactions de l'occupant et allié à l'instinct de survie ne laissait aucune place au spectaculaire ou à l'esthétique. Ce sont donc les habitants d'OKINAWA qui donnèrent naissance à cette méthode de combat à mains nues, appelée par la suite KARATE. L'art du combat à mains nues se développa surtout autour de 3 villes : Naha - Shuri - Tomari et donna naissance à 3 styles majeurs.
Le Naha-Te se développa autour de la principale ville portuaire, Naha, qui était un grand centre de commerce. Cette méthode de combat fut perpétuée par Bushi (guerrier) Sakiyama (+.1819), Arakaki Kamadeunchu (1840-1920) et Kanryo Higashionna (1851-1915). Le Naha-Te est reconnu comme Shorei-Ryu (style inspirationnel) et évolua en Goju-Ryu et Uechi-Ryu, qui sont deux des styles de karaté d'Okinawa aujourd'hui.
Le Shuri-Te est un style qui se développa essentiellement dans la ville de Shuri, l'ancienne capitale d'Okinawa, où vivaient le roi et les membres de la noblesse. Le Shuri-Te, connu maintenant à Okinawa sous le nom de Shorin-Ryu ("style de la jeune forêt"), donna aussi naissance au Shotokan et au Wado-Ryu au Japon. Un autre style connu sous le nom de Tomari-Te est considéré comme une ramification du Shuri-Te.
Le Tomari-Te était pratiqué dans le village de Tomari. Celui-ci, proche de Shuri, était peuplé surtout d'agriculteurs et de pêcheurs.
Cependant, dans les courants dominant du développement historique du Karaté, il n'y a réellement que deux grands styles d'origine : le Shuri-Te et le Naha-Te (Te = mains).
De ces deux styles de Karaté d'Okinawa, il faut noter que le Shuri-Te est caractérisé par des mouvements rapides contrairement au Naha-Te qui a des mouvements plus puissants.
Comme les deux styles sont dérivés des mêmes traditions martiales chinoises, leurs différences sont seulement d'ordre technique. Le Shuri-Te était un style plus offensif, il provenait des techniques de combat chinoises du Nord, tandis que le Naha-Te était plus défensif, de provenance du Sud.
Le Naha-Te semble avoir plus de techniques en contraction et met l'accent sur la respiration et le contrôle du Ki (énergie interne) sous l'influence de la philosophie taoïsme. Tandis que le Shuri-Te paraît être dérivé du Shaolin Kenpo, plus dynamique et plus rapide. La respiration doit y être naturelle.
Le Shuri-Te était pratiqué par les samouraïs de la cour du château de Shuri. L'origine du Shuri-Te et son évolution en Shorin Ryu remonte à deux cents ans dans l'île d'Okinawa.
Shinjo CHOKEN est un Dai Jo ou une importante figure dans l'histoire du Shorin Ryu. Il est connu comme l'un des premiers pratiquants de Shuri-Te à la fin du 16ème siècle et au début du 17ème.
Après Shinjo CHOKEN, un autre grand pratiquant martial du nom de Tode SAKUGAWA (1782-1865) devint proéminent à Okinawa. Il est en fait considéré comme le premier véritable initiateur du Karaté d'Okinawa. L'art martial de Tode SAKUGAWA était un mélange de Shuri-Te et de Kenpo chinois. C'est en 1756, que SAKUGAWA devint un étudiant du représentant militaire chinois KUSHANKU (KUSANKU). KUSANKU était un maître de Kenpo très habile et célèbre pour son aptitude au combat. Il influença beaucoup le Shuri-Te et ultérieurement le développement du Shorin Ryu. Il enseigna à beaucoup d'autochtones okinawaïens, incluant Chatan Yara et Shionja de Shuri. Il amenait certains de ses étudiants de Chine à Okinawa et ainsi propageait le style chinois sur Okinawa. En outre, il est rapporté que KUSANKU introduisit une technique par laquelle le poing en retrait était tenu dans une position prête à frapper le long du côté du torse (Hikite) et permettait de cette position de donner un coup vers la cible destinée.
KUSANKU est aussi à l'origine d'un type de kumite dans le Karaté d'Okinawa. Le kumite était référé comme Kumiai Jutsu ou technique de combat. Après sa formation avec KUSANKU, SAKUGAWA devint un expert reconnu dans le style chinois de combat appelé Tode. C'est la base de son surnom Tode (main chinoise) SAKUGAWA. Il est reconnu comme étant le premier professeur de Karaté d'Okinawa. L'histoire laisse à penser que SAKUGAWA aurait combiné les techniques de style chinois Kenpo (Tode) avec le style des techniques autochtones d'Okinawa du Shuri-Te.
Le Shuri-Te est de ce fait la base du véritable Karaté d'Okinawa. Il eut trois disciples qui se distinguèrent comme d'excellents pratiquants: Bushi UKUDA, Makabe CHOKUN et Bushi MATSUMOTO de Urazoe. Cependant, le plus célèbre fut son dernier disciple Sokon MATSUMURA (1809-1896). Il était aussi appelé Bushi (Guerrier) MATSUMURA ou Shuri MATSUMURA.
Sokon MATSUMURA était un pratiquant de grande renommée parmi les arts de combat de l'archipel. Toutes les généalogies du Karaté d'Okinawa remontent à Sokon MATSUMURA, car il fut le premier à instaurer un véritable système d'enseignement du Shuri-Te.
A cette époque la transmission du Tode se faisait oralement de Maîtres à disciples et ne laissait pas d'écrit. Toutefois l'Histoire a retenu deux noms dans la transmission du Tode: celui de KUSHANKU vers 1761, et celui de SAKUGAWA, né à Shuri. Il aurait été le disciple de KUSHANKU et de TAKAHARA, un moine. La légende dit qu'il aurait fait plusieurs voyages en Chine jusqu'à Pékin. Il a laissé aussi un kata de bâton : Sakugawa No Kon.
C'est à partir de Maître MATSUMURA que l'histoire du Karaté devient plus claire. Maître MATSUMURA était issu d'une famille noble et fut nommé garde du Prince au palais de Shuri. Il reçut l'enseignement d'une école de sabre puis fut instruit à l'art du combat par un Maître chinois du nom de IWA. Ayant débuté la pratique des arts martiaux très jeune, il se distingua par sa force, son courage et son intelligence. Plus tard, émettant des doutes sur le Bujutsu à travers lequel on ne recherchait que la force physique, il essaya de perfectionner son être à travers la religion et la calligraphie. Il fut le premier à transmettre une méthode de combat et son art reçut le nom de SHURITE. Dans son enseignement, trois directions se dégageaient nettement : le savoir encyclopédique, le mental de gagnant et le calme intérieur, la maîtrise de soi. Ses principaux disciples furent Me ITOSU, Me AZATO, Me KIYAN, Me YABU.
Il fut le disciple de Maître MATSUMURA entre 1840 et 1848. C'est lui qui introduit l'entraînement de l'Okinawa-Te dans les écoles d'Okinawa. Maître ITOSU se rendit compte que les katas anciens étaient trop complexes pour des collégiens. En 1907 il créa des katas simplifiés, les PINAN, à partir des katas Passai, Kushanku, Chinto et Jion. Il scinda aussi le kata Naihanchi en trois afin de rendre son apprentissage plus facile. Maître ITOSU était réputé pour sa force et les nombreux défis qu'il gagnait toujours. Ses principaux disciples furent Me CHIBANA, Me FUNAKOSHI, Me MABUNI.
Dès l'âge de 15 ans, il fut le disciple de Maître ITOSU jusqu'à la mort de celui-ci. En 1920 il ouvrit un dojo à Shuri et nomma son style Kobayashi Ryu qui est la transcription okinawaïenne de Shaolin (école de la petite forêt). En 1956, il fut le premier président de l'Okinawa Karate-Do Renmei (association qui regroupe l'ensemble des styles de l'île). Ses principaux disciples furent Yuchoku HIGA, Shuguro NAKAZATO, Katsuya MIYAHIRA.
Disciple de Maître CHIBANA de qui il apprit surtout les katas enseignés par Maître ITOSU. C'est avec Maître Chôki MOTOBU qu'il s'est initié au kumite et au combat. Maître MOTOBU était un redoutable combattant et s'entraînait beaucoup au makiwara. Maître MIYAHIRA nous dit : "sans makiwara il n'y a pas de Karaté d'Okinawa". Maître CHINEN suivit l'enseignement de Maître MIYAHIRA jusqu'à sa mort en 2010.
L'art du Shuri-Te, auquel se rattache le style Shorin ryu, remonte au personnage de Sôkon MATSUMURA. Celui-ci fut le premier à transmettre le Karaté de façon systématique. C'est à partir de lui, et à travers ses élèves, que l'on peut repérer des influences sensibles jusqu'à nos jours.
Le karaté SHORIN RYU d'Okinawa provient du courant SHURI-TE développé par Maître Sokon MATSUMURA. SHORIN RYU est la prononciation okinawaïenne du terme chinois Shaolin qui signifie "petite forêt", preuve s'il en est de l'influence chinoise sur l'évolution du Tode. L'héritage du Shaolin Quan y est donc présent, caractérisé par sa mobilité, incluant des sauts.
La spécificité du Shorin Ryu est la finesse des blocages. Cela met en évidence la supériorité d'une bonne technique sur la force physique. Lorsque l'on atteint un bon niveau technique la taille n'a plus d'importance.
L'acquisition de la puissance est plus difficile dans le karaté Shorin Ryu que dans d'autres styles. En privilégiant des mouvements courts, la possibilité de mettre de la puissance dans les coups semble lointaine. Pourtant par un travail régulier, inscrit dans le temps, il est possible d'acquérir des techniques efficaces. Maître Katsuya MIYAHIRA expliquait que la distance de combat dont il faut approfondir la maîtrise, est celle de la longueur d'une phalange ("ishun") ; c'est assez pour développer un "Kime" dévastateur.
L'acquisition de l'efficacité passe par un travail approfondi des katas. Dans le style Shorin Ryu on débute l'étude du karaté par les katas NAIHANSHI. Ces derniers permettent de fortifier le corps du pratiquant, et de développer la puissance sur des mouvements courts.
Le rôle de la respiration est primordial. Maître MIYAHIRA enseigne que la technique de respiration doit être naturelle. En inspirant, nous manquons de force, et c'est juste avant la fin de l'expiration que nous pouvons obtenir de la force. Il est essentiel de respirer naturellement pour que l'adversaire ne puisse pas capter le rythme de notre respiration.
En Shorin Ryu le travail doit se faire de l'intérieur vers l'extérieur.
Ce principe, sur lequel s'appuie le Shorin-Ryu, nous enseigne qu'il ne faut pas privilégier l'un ou l'autre des 3 aspects de la pratique, mais qu'il faut les travailler et les améliorer ensemble pour avoir une pratique complète et équilibrée.
Les 3 aspects sont:
SHIN (esprit)
GI (technique)
TAI (corps)
Les techniques de travail traditionnelles du karaté Shorin Ryu développent les qualités de force, stabilité, précision et rapidité, ce qui donne au karatéka l'assurance d'une progression continue et harmonieuse du corps et de l'esprit.
Le travail avec les partenaires a aussi toute son importance. Il n'est possible de progresser que si l'on s'intéresse sincèrement au travail de ses partenaires, et que l'on met toute son énergie au service de leur progression.
Le karaté Shorin Ryu met à la disposition du pratiquant une gamme très étendue de types de travail, adaptés au niveau de chacun et lui permettant de progresser de façon durable jusqu'à un haut niveau.
Le karaté nécessite l'utilisation particulière des muscles et des tendons, c'est pourquoi un travail spécifique physique complémentaire à la pratique technique du karaté a été développé à Okinawa.
KIHON WAZA
Ce sont des techniques simples sur les attaques, les défenses et les enchaînements de mouvements (pieds et mains). Ces techniques incorporent les différentes positions de base telles que moto dachi, neko ashi dachi, shiko dachi et zen kutsu dachi.
KATA
Les formes enseignées des katas du style Shorin Ryu sont les formes d'origine, telles que les premiers Maîtres de karaté les ont transmises. Ces katas n'ont pas été transformés.
KATA KUMIWAZA
C'est l'application du kata avec deux partenaires. Dans cet exercice, le kata n'est absolument pas modifié : les techniques s'arrêtent aux mêmes endroits que dans le kata, ce qui permet une bonne compréhension de celui-ci.
KATA OYO
C'est l'application libre (imagination) du kata, en gardant l'idée et la forme générale du kata, pourvu qu'elle soit plausible. Le kata peut-être effectué dans des axes différents. Lorsque les techniques sont symétriques il n'est pas nécessaire de démontrer les deux côtés.
BUNKAI
C'est l'application du kata mettant en évidence les techniques particulières de celui-ci. Chaque technique est étudiée séparément (par séquence) à travers son utilisation pratique dans des situations de combat. Les techniques pouvant être légèrement différentes du kata.
BUNKAI OYO
Même principe que le Bunkai, avec une étude plus libre des autres possibilités d'application des techniques du kata, pourvu quelles soient plausibles. Il s'agit d'une recherche personnelle, tout en gardant l'idée générale des techniques du kata.
DOJO KUMITE
C'est un combat où l'esprit du karaté d'Okinawa est conservé, c'est-à-dire où sont privilégiées les techniques de blocage suivies de la contre-attaque.
KAKIE
Exercice de poussée et de traction que l'on pratique à deux. Cet enchaînement que l'on effectue en souplesse puis de plus en plus rapidement et de plus en plus solidement fait participer tout le corps. Il permet de prendre ainsi conscience de la participation de l'ensemble du corps dans la réalisation des techniques.
KITAEKATA
C'est à la fois un travail technique et un travail de durcissement des bras, des jambes et du corps.
SHAISHI
C'est un travail de musculation, un travail de renforcement des articulations et un travail de l'équilibre.
NIGIRI GAME
C'est un travail des positions et du déplacement, travail de l'équilibre et des coups de pieds.
TETSU GETA
C'est un travail de musculation des jambes et des coups de pieds.
MAKIWARA
C'est un travail de durcissement des poings en frappant le makiwara (poteau de frappe). Me ITOSU disait: "chaque jour, 200 Tsuki à droite et à gauche, car sans makiwara il n'y a pas de karaté d'Okinawa".
Notre école Oshukai ne travaille que 16 kata, ce qui semble peu comparé à d'autres écoles comme le Shotokan ou bien le Shito ryu qui comptent plus de 60 kata! Traditionnellement les Maîtres étaient experts en tout au plus 5 kata, car on raconte à Okinawa qu'il faut compter au moins 10 ans de pratique par kata...
Maître CHINEN a créé son enseignement autour de 16 kata avec une progression technique adaptée à tous les niveaux et surtout à toutes les personnes.